Eloi Miandadji

 

Les Tchadiens ne cessent de fouler aux pieds des valeurs cardinales. Les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement viennent de lancer un recrutement sur titre à la Fonction publique, en lieu et place, du traditionnel concours. Cette manière n’échappera pas aux conséquences incalculables quant au rendement.
 
Depuis quelques années, la gestion des concours d’entrée dans des écoles de formation au niveau national laisse à désirer. Elle se convertit en faveur, au détriment du mérite et de l’excellence. Cette année, l’idée de recruter sur titre les candidats à la Fonction publique suscite de nombreuses interrogations. En plus du fait qu’au Tchad les concours sont organisés et gérés à tour de bras, la nouvelle donne que l’on instaure engendre la corruption, le clientélisme et d’autres pratiques éhontées, nuisant ainsi gravement au rendement qualitatif. Dans ces conditions, les nouvelles recrues ne répondent plus aux valeurs cardinales de compétence et d’intégrité intellectuelle.
 
Aujourd’hui, les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement vont recruter sur titres des hordes de commissaires de police, d’officiers de police et gardiens de la paix et agents des Eaux et Forêts, de nombreuses voix commencent à crier à l’injustice. «Le concours n’est plus une épreuve à compétition, alors que c’est le cheminement dont le but recherché est de limiter le nombre de places, afin de choisir les meilleurs les plus aptes. Mais ce que les autorités envisagent pour ce recrutement à la Police et aux Eaux et Forêts dépasse l’entendement», déclare Mathurin T.
 
Un pays passif
 
Comme le pays sombre dans un laxisme en matière de suivi et de contrôle, le Tchadien ne connaît pas les risques qu’il fait encourir à son pays. Beaucoup de diplômés cumulant d’insuffisance intellectuelle ou non qualifiés n’impriment plus leur marque et ne font pas honneur à leur titre, malgré ce qu’ils ont comme mentions de valeur. Car, des diplômes sont obtenus de manière frauduleuse. A ce rythme, il y manque de bons grains pour réaliser de bonnes performances et produire d’éminents talents. Et les autorités semblent ne pas encourager le tri de ses élites. Elles donnent l’impression de banaliser plutôt des actes de mauvaise foi. «Les gouvernants ont presque dévalorisé leur responsabilité à travers cette pratique peu honorée. Car, elles jouent aux victimes et aux sapeurs-pompiers. Je n’arrive pas à faire la différence entre un avis de recrutement et un avis de concours qu’on nous déclare», déclare Ahmat G.  L’on se souvient encore des sportifs qui ont été recrutés à la Fonction publique et dans les services privés du fait de leur appartenance à une équipe nationale de sport. Il suffit de prendre une arme et faire un tour en brousse et on devient un cadre. Ensuite, revenir conclure un accord de ralliement, puis n’est promu à un poste de responsabilité, élevé à un grade supérieur, obtenir un emploi public ou un diplôme.
 
Des parcours tortueux
 
Les observateurs n’ignorent pas la pléthore des admis aux écoles professionnelles, dont les capacités intellectuelles et la moralité laissent à désirer. Le statut de la Fonction publique est clair. Tout Tchadien détenant un diplôme d’Etat ou un diplôme privé équivalent est candidat à la Fonction publique. En outre, le recrutement à l’emploi public passe par la sélection des meilleurs. Mais, force est de constater que le recrutement à la Fonction publique est utilisé comme une récompense pour le rôle joué au moment des élections ou pour l’activisme dans un parti politique. «Depuis plusieurs années, des gens mettent en place un réseau d’influences et une clientèle politique. Peu importe les profils. Il y a de la complaisance et de l’autosatisfaction dans cette prétendue reconnaissance. Mais, le rendement ne doit que produire la médiocrité et conduire ainsi le pays dans l’impasse», estime Jacques T., un assistant social. Et un instructeur d’une école para militaire de renchérir que «depuis de nombreuses années, il suffit d’avoir de l’argent et soudoyer des gens pour obtenir un diplôme ou un emploi. De hautes personnalités nous envoient une liste de noms de leurs parents, nous avons chacun une place à pourvoir dans cette école pour une personne de notre choix et peu importe le niveau de celle-là. Le plus choquant est que certains candidats à un concours sont impliqués dans l’organisation d’un concours. Comment voulez-vous que ces causes produisent les effets contraires», s’interroge-t-il.
 
Dépenser pour un échec ou une réussite
 
Malgré la mise à disposition d’un fonds alloué à l’organisation des concours, les candidats sont escroqués pour, soi-disant, participer financièrement à la bonne organisation de tous les concours.
 
Il faut reconnaître que certains composants des équipes de correction et les secrétariats des jurys des examens et concours n’ont pas la compétence requise. C’est là que prospère la haute mafia. «Pour le recrutement à la Police ou aux Eaux et Forêts, il faut donner en plus des dossiers une somme de 5 000 FCFA. Rien ne garantit le mérite et l’excellence. C’est une manière discriminatoire», estime Kaltouma M. qui vient de déposer ses dossiers pour le recrutement à la Police. Martine T., son reçu en main explique comment elle a été arnaquée par un des organisateurs d’un concours : «J’ai dépensé une forte somme d’argent avec la ferme promesse d’être déclarée admise. A ma grande surprise, j’ai échoué. Je fais des va et vient chez lui sans succès».
 
Des reversés à la Police, à la Gendarmerie, au corps des agents des Eaux et Forêts… suite aux accords intervenus entre les ex-éléments d’une formation politico-militaire sont légion. «Des chefs rebelles à moindre effectif, sous prétexte de regagner la légalité, recrutent des amis et parents qui n’ont pas été avec eux en brousse pour grossir le nombre de leurs éléments. Ce sont généralement des tonneaux vides qui sont répartis dans les différents services à la Fonction publique sans aucune soumission d’un test de niveau. Cette pratique continue et continuera à faire régresser le pays. C’est abominable !», s’exclame Mahamat D., un militaire retraité.
 
Un des concernés interpellé
 
Qu’attend-on d’un agent promu à un grade supérieur avec de palettes de lacunes ? N’est-ce pas une manière d’encourager les agents à devenir des partisans du moindre effort ? Si l’on ne peut pas savoir à qui profite cette supercherie, l’on sait en revanche à qui elle ne profite pas. Cela ne grandit pas les personnes qui entretiennent cette pratique. De tels recrutements, au lieu de les propulser, les endort plutôt, au moment où ils devraient faire des efforts pour se remettre en cause.
 
A une plus grande échelle, elle ne profite pas au Tchad qui risque, à ce rythme, d’être plein de fonctionnaires ne reflétant pas le niveau des diplômes qu’ils possèdent, et par conséquent, incapables dans la pratique de relever les nombreux défis qui interpellent le pays demain. Le ministère de l’Assainissement public et de la Bonne gouvernance est interpellé pour mettre un terme à la complaisance.
 
Eloi Miandadji

 

 

 

Les Tchadiens ne cessent de fouler aux pieds des valeurs cardinales. Les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement viennent de lancer un recrutement sur titre à la Fonction publique, en lieu et place, du traditionnel concours. Cette manière n’échappera pas aux conséquences incalculables quant au rendement.
 
Depuis quelques années, la gestion des concours d’entrée dans des écoles de formation au niveau national laisse à désirer. Elle se convertit en faveur, au détriment du mérite et de l’excellence. Cette année, l’idée de recruter sur titre les candidats à la Fonction publique suscite de nombreuses interrogations. En plus du fait qu’au Tchad les concours sont organisés et gérés à tour de bras, la nouvelle donne que l’on instaure engendre la corruption, le clientélisme et d’autres pratiques éhontées, nuisant ainsi gravement au rendement qualitatif. Dans ces conditions, les nouvelles recrues ne répondent plus aux valeurs cardinales de compétence et d’intégrité intellectuelle.
 
Aujourd’hui, les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement vont recruter sur titres des hordes de commissaires de police, d’officiers de police et gardiens de la paix et agents des Eaux et Forêts, de nombreuses voix commencent à crier à l’injustice. «Le concours n’est plus une épreuve à compétition, alors que c’est le cheminement dont le but recherché est de limiter le nombre de places, afin de choisir les meilleurs les plus aptes. Mais ce que les autorités envisagent pour ce recrutement à la Police et aux Eaux et Forêts dépasse l’entendement», déclare Mathurin T.
 
Un pays passif
 
Comme le pays sombre dans un laxisme en matière de suivi et de contrôle, le Tchadien ne connaît pas les risques qu’il fait encourir à son pays. Beaucoup de diplômés cumulant d’insuffisance intellectuelle ou non qualifiés n’impriment plus leur marque et ne font pas honneur à leur titre, malgré ce qu’ils ont comme mentions de valeur. Car, des diplômes sont obtenus de manière frauduleuse. A ce rythme, il y manque de bons grains pour réaliser de bonnes performances et produire d’éminents talents. Et les autorités semblent ne pas encourager le tri de ses élites. Elles donnent l’impression de banaliser plutôt des actes de mauvaise foi. «Les gouvernants ont presque dévalorisé leur responsabilité à travers cette pratique peu honorée. Car, elles jouent aux victimes et aux sapeurs-pompiers. Je n’arrive pas à faire la différence entre un avis de recrutement et un avis de concours qu’on nous déclare», déclare Ahmat G.  L’on se souvient encore des sportifs qui ont été recrutés à la Fonction publique et dans les services privés du fait de leur appartenance à une équipe nationale de sport. Il suffit de prendre une arme et faire un tour en brousse et on devient un cadre. Ensuite, revenir conclure un accord de ralliement, puis n’est promu à un poste de responsabilité, élevé à un grade supérieur, obtenir un emploi public ou un diplôme.
 
Des parcours tortueux
 
Les observateurs n’ignorent pas la pléthore des admis aux écoles professionnelles, dont les capacités intellectuelles et la moralité laissent à désirer. Le statut de la Fonction publique est clair. Tout Tchadien détenant un diplôme d’Etat ou un diplôme privé équivalent est candidat à la Fonction publique. En outre, le recrutement à l’emploi public passe par la sélection des meilleurs. Mais, force est de constater que le recrutement à la Fonction publique est utilisé comme une récompense pour le rôle joué au moment des élections ou pour l’activisme dans un parti politique.
 
«Depuis plusieurs années, des gens mettent en place un réseau d’influences et une clientèle politique. Peu importe les profils. Il y a de la complaisance et de l’autosatisfaction dans cette prétendue reconnaissance. Mais, le rendement ne doit que produire la médiocrité et conduire ainsi le pays dans l’impasse», estime Jacques T., un assistant social. Et un instructeur d’une école para militaire de renchérir que «depuis de nombreuses années, il suffit d’avoir de l’argent et soudoyer des gens pour obtenir un diplôme ou un emploi.
 
De hautes personnalités nous envoient une liste de noms de leurs parents, nous avons chacun une place à pourvoir dans cette école pour une personne de notre choix et peu importe le niveau de celle-là. Le plus choquant est que certains candidats à un concours sont impliqués dans l’organisation d’un concours. Comment voulez-vous que ces causes produisent les effets contraires», s’interroge-t-il.
 
Dépenser pour un échec ou une réussite
 
Malgré la mise à disposition d’un fonds alloué à l’organisation des concours, les candidats sont escroqués pour, soi-disant, participer financièrement à la bonne organisation de tous les concours. Il faut reconnaître que certains composants des équipes de correction et les secrétariats des jurys des examens et concours n’ont pas la compétence requise. C’est là que prospère la haute mafia. «Pour le recrutement à la Police ou aux Eaux et Forêts, il faut donner en plus des dossiers une somme de 5 000 FCFA. Rien ne garantit le mérite et l’excellence. C’est une manière discriminatoire», estime Kaltouma M. qui vient de déposer ses dossiers pour le recrutement à la Police.
 
Martine T., son reçu en main explique comment elle a été arnaquée par un des organisateurs d’un concours : «J’ai dépensé une forte somme d’argent avec la ferme promesse d’être déclarée admise. A ma grande surprise, j’ai échoué. Je fais des va et vient chez lui sans succès».Des reversés à la Police, à la Gendarmerie, au corps des agents des Eaux et Forêts… suite aux accords intervenus entre les ex-éléments d’une formation politico-militaire sont légion. «Des chefs rebelles à moindre effectif, sous prétexte de regagner la légalité, recrutent des amis et parents qui n’ont pas été avec eux en brousse pour grossir le nombre de leurs éléments. Ce sont généralement des tonneaux vides qui sont répartis dans les différents services à la Fonction publique sans aucune soumission d’un test de niveau. Cette pratique continue et continuera à faire régresser le pays. C’est abominable !», s’exclame Mahamat D., un militaire retraité.
 
Un des concernés interpellé
 
Qu’attend-on d’un agent promu à un grade supérieur avec de palettes de lacunes ? N’est-ce pas une manière d’encourager les agents à devenir des partisans du moindre effort ? Si l’on ne peut pas savoir à qui profite cette supercherie, l’on sait en revanche à qui elle ne profite pas. Cela ne grandit pas les personnes qui entretiennent cette pratique. De tels recrutements, au lieu de les propulser, les endort plutôt, au moment où ils devraient faire des efforts pour se remettre en cause.
 
A une plus grande échelle, elle ne profite pas au Tchad qui risque, à ce rythme, d’être plein de fonctionnaires ne reflétant pas le niveau des diplômes qu’ils possèdent, et par conséquent, incapables dans la pratique de relever les nombreux défis qui interpellent le pays demain. Le ministère de l’Assainissement public et de la Bonne gouvernance est interpellé pour mettre un terme à la complaisance.
 
Eloi Miandadji

 

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